La question se pose dans un tableau de paysage, peu importe le médium- huile, acrylique, aquarelle. Imaginez : il y a des bois, des plaines et bosquets, des bâtiments, etc. : et le ciel, dans tout ça? Ce serait seulement un espace à combler avant d’en venir à la «chair» du tableau…?
Ah, je vous entends déjà dire que le point d’intérêt sera plutôt la petite maison à toit pentu, ou encore le chêne au sommet de la colline, bref des éléments plus parlants, en quelque sorte. Pourquoi?
Eh bien, ils captent le regard par le détail travaillé dans la matière, ou encore parce qu’ils sous-entendent une présence humaine…disons aussi qu’ils sont souvent plus près de nous, spectateurs du tableau, en occupant l’avant-plan ou le plan moyen dans la composition.
Pourtant, même quand le ciel n’est pas ce qui cause le plus d’émoi dans le tableau, il a un rôle non négligeable…
Le ciel, au plus près des sensations
Pensons à un peintre du XIXe siècle, célèbre de son vivant, mais déclassé peu à peu dans le goût de l’époque par l’arrivée des impressionnistes. Jean-Baptiste-Camille Corot, dans L’Île heureuse, attire notre regard sur les arbres et ces personnages qui s’adonnent à la cueillette, probablement de fleurs ou de champignons.
Idyllique, n’est-ce pas?
Si on suit la direction verticale des branches- et même des bras de la jeune femme- notre regard s’élève vers le ciel si présent…accentué par ce grand format (188 x 142,5 cm), qui lui laisse toute la place! …puis, il y a la brume, comme un lien entre terre et ciel.
Autre époque, autre style : dans ce tableau, le ciel apporte sa contribution au mouvement, à la durée…
Le brouillard, le matin sur la côte ouest californienne, et sa poussée vers le large…Vous connaissez? C’est là, un des moments de la journée qui me fascine; sans doute parce qu’il fait place à la lumière!
J'ai beaucoup aimé l'expression « la 'chair' du tableau ». Une telle expression anime la peinture et, surtout, la dote d'une dimension anthropomorphe. De plus, l'expression est précédée de : « avant d'en venir à », ce qui, pour filer/philer la métaphore, met l'accent sur la dimension charnelle de l'oeuvre. L'oeuvre qui, devenue objet de désir, se dévoile, telle une effeuilleuse; elle (en)lève voile après voile, semblable à la Shéhérazade des Nuits arabes, qui, nuit après nuit, atermoie la satisfaction du désir, et fait passer le roi (ici, le lecteur-spectateur non averti) de la cruauté (ou l'inculture) à la délicatesse, au savoir et au savoir-vivre. Ainsi, le lecteur-spectateur, à l'affût de cette parole soufflée, voit cette fugace relation sensuelle et…